Jules était l'aîné d'une famille de quatre enfants. Son père était routier, sa mère femme au foyer, à l'occasion vendeuses de petits légumes sur le marché de l'église, à Moyaux, en Normandie. Si Jules ne s'était pas découvert une passion pour la littérature vers ses six ans, en lisant Le Grand Meaulnes, toute la suite de cette histoire ne serait probablement jamais arrivée. Mais il s'avère que ce simple petit détail, quelques pages glissées entre des doigts, avait suffi à transformer ce garçon.

Jules s'était fait remarquer par ses professeurs pour des aptitudes certaines à l'analyse, certains disaient même qu'il avait une plume. Il ne faisait pas vraiment la fierté de ses parents, mais il faisait au moins la sienne. Lors de ses vingts ans, il refusa de faire le service militaire. On l'envoya donc à ce qu'il appelait à l'époque l'étranger.

Quand il reçut le petit formulaire, il vit écrit en gras :

Destination :  Sao-Luis do Maranhao
Service : 22 mois. 

 

Il relut plusieurs fois en clignant des yeux, Sao-Luis do Maranhao, Brasil.

Des milliers d'images firent le tour de sa cervelle : un soleil rouge brûlant s'écrasant dans la mer, des femmes à la peau brune et aux dents blanches, sueur mêlée  à la poussière.

Il courut chercher un globe, posa son doigt sur la France, chercha plus bas, plus bas, et pointa le Brésil. Lui qui n'était jamais sorti de sa Normandie allait se retrouver dans un tout nouveau pays.

Et puis voilà, armé de son dictionnaire franco-portugais, il s'en alla un peu comme ça.

CLIQUER ICI